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26 octobre 2014 7 26 /10 /octobre /2014 13:43

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Je vous ai déjà parlé de Xavier Dolan, jeune réalisateur canadien de 25 ans,  qui  a déjà réalisé 5 films. J'avais été subjuguée par son film, Tom à la ferme, (cf billet du 14.06.2014) à l'origine de ma rencontre avec ce réalisateur. J'attendais avec impatience la sortie de son dernier film, Mommy, dont j'avais suivi les commentaires et interviews lors de sa présentation à Cannes. Pour parler de ce réalisateur, je fais un détour par une phrase de Wim Wenders qui dans son dernier film "Le sel de la terre" rend hommage à  Sébastiao Salgado, photographe. "S.Salgado aime vraiment les gens, est d'une infinie  générosité ". Pour  Salgado "ce sont les gens,  le sel de la terre".  Sans  comparer les deux hommes, j'ai instantanément pensé à Xavier Dolan,  qui je crois "aime vraiment les gens" et contribue  à nous faire chavirer dans notre humanité, notre altérité.


Mommy raconte une histoire qui peut sembler banale mais qui devient puissante à l’écran. Une veuve mono-parentale hérite de la garde de son fils, un adolescent TDAH impulsif et violent. Au coeur de leurs emportements et difficultés, ils tentent de joindre les deux bouts, notamment grâce à l’aide inattendue de l’énigmatique voisine d’en face, Kyla. Troisième figure, qui loin de perturber l'équilibre de Steve et sa mère,  va apporter à ce couple mère-fils la retenue qui leur manque. Mommy prend alors la forme d'un  trio intime, débordant d'une énergie retrouvée, qui va les renforcer, les soutenir pour faire face à une société en crise. Steve, le fils, apparait comme le symbole excessif d'une génération qui cherche à desserer ces liens pour vivre sa vie, dans une forme de liberté conquise.


Dès les premières images, par le format carré (hommage revendiqué à Elephant, de Gus Van Sant) j'ai été percuté par la proximité avec les personnages, au plus près de leurs émotions, à travers leur regard, le frémissement de leur visage. Ces plans rapprochés m'ont interpellée comme témoin de leurs turbulences, leurs relations complexes, chavirés par leurs mouvements oscillatoires,  entre amour fusionnel et opposition, explosion de violence et rires partagés.

J'ai beaucoup pleuré et ri au fil de ce  drame,  ponctué de séquences drôles, de dialogues bruts, tout autant violents, ironiques que révélateurs de tendresse et d'amour absolus, au delà des tensions, de la peur de chacun face à lui même, confronté à ses propres doutes.

Mommy est avant tout un film sur l'attachement, sur la force et les fragilités des  rencontres,  qui permettent de retrouver une énergie d'espoir.


 Mommy est un choc, par sa capacité à nous parler de la vie comme dans une vérité kaléidoscopique de drame et comédie, de légèreté et gravité, d'une réalité teintée de fantaisie, des moments de sérieux et ceux décalés, de notre vie à tous, qu'elle qu'elle soit.

La performance des acteurs, chacun en parfaite harmonie avec son personnage et ses partenaires de jeu, les couleurs, l'alternance  du format carré au  plein écran, la musique, en font un grand film, une oeuvre puissante, un nuancier d'émotions qui se chevauchent, s'annulent, se fondent.


Mais les mots ne me  suffisent pas à témoigner de tout l'indicible contenu dans ce film, à vous faire sentir la lumière, le clair obscur qui  m'a traversé et dont je garde une empreinte de générosité.

 

Eprouvez ce film ...laissez vous envelopper  par ses variations sensibles.

Bon film.

LN

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18 octobre 2014 6 18 /10 /octobre /2014 11:39

Voici le récit d'une ville d'eau imaginaire...

 

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Cité Miroir

 

 

Pouvez-vous imaginer une cité, dont les bâtiments, maisons, administrations sont entièrement de verre : verre poli, verre froissé, verre vitrail, vert de gris, vert émeraude, ver cassé, ver bouteille, verre piqué, verre verrine, et pour l 'hôtel de ville, l'orangeade, verre soufflé de Murano.

 

Vue du ciel, la ville apparaît comme un gigantesque diamant, aux facettes bariolées, moirées, irisées par les reflets de lumière, une architecture ondoyante où s'allient des figures octogonales, hexagonales, carrées, sphériques, concaves ou convexes, toutes emboitées les unes aux autres, sans que l'esprit puisse en retrouver les lignes de démarcation.

Ces miroirs en cascade défient chaque regard, par leur surface lisse ou bosselée, opaque ou translucide, incolore ou teintée, réfractant chaque mouvement, chaque silhouette, chaque visage en une kyrielle d'images réfléchies, enchainées, confondues, figurant une peinture lyrique, insaisissable, en perpétuelle métamorphose.

 

Voyageur gourmand, errant sur les contours des terres reculées, enclavées, insulaires, me voilà arpenteur de cette zone non identifiée. Kalydia n'apparait sur aucune carte, non répertoriée, elle semble surgir des profondeurs. A l'entrée de la ville, Carpe Diem, gravée sur le fronton du premier pont est l'une des nombreuses inscriptions dont j'appris bien plus tard que chaque habitant pouvait en être l'auteur-scripteur, après avoir reçu l'approbation du Cercle des Poètes Conteurs.

 

Familier de mon âme solitaire, je déambule insouciant, envoûté par ces façades miroitantes qui diffusent des images floutées, enchevêtrées, fracturées. Qui regarde l'autre ? Je me sens épié, interpellé, mes pensées pénétrées par cette fondue enchaînée de formes et de couleurs.

Intrigué, animé par mon insatiable curiosité je cherche âme qui vive pour m'enquérir d'un lieu propice où séjourner un temps, que je décide incertain. Les ruelles sont désertes. Je perçois la nuit descendre sur les parois de verre. Les stores vénitiens en bois de hêtre déjà baissés masquent la vie intérieure.

 

Soudain, un homme en toge blanche surgit, vient à ma rencontre, me salue d'un signe -la paume sur le cœur- et questionne ma présence. Dépliant mon itinéraire, je me présente voyageur sans frontières, nomade vétéran, sans désir et sans attente autre que d'être là où mes pas me conduisent.

Sans un mot, il appuye sa main sur mon épaule, de la seconde m'imprime une légère poussée dans le dos, m'invitant à le suivre. A chacun de ses pas son ample habit immaculé forme deux ailes d'ange ou d'albatros.

 

Nous empruntons un dédale de voies pavées de galets, plusieurs ponts, tous de pierre aux arcs tressés en bois d'acacia, pour enfin arriver à la Maison des Hôtes, située dans le quartier Sud, le plus avancé sur les flots. Les humeurs nocturnes exhalent un bouquet subtil d'algue marine, enlacé à l'arôme de sable chaud, ce parfum vif né de l'accouplement de la mer et du ciel, qui enveloppe l'atmosphère au crépuscule. La lumière translucide se détache de la voûte céleste, couleur d'encre noire ce soir là, brisant les rubans épais anthracites, rompant l'unicité des cieux.

 

Pénétrant dans ce havre de verre, je découvre une pièce en demi-lune, dont les stores vénitiens déjà tirés qui me protègent de la lumière et des regards indiscrets. Je les relève, découvrant une vitre concave sur toute la surface. L'intérieur a le goût de la quiétude. Une natte de bambou tressé, posée au sol, un tatamis au pied duquel un coffre d'ébène supporte trois livres imposants. Une table basse autour de laquelle quatre coussins, noirs, ronds, fermes imposent l'assise en tailleur. Un service à thé en verre soufflé, orange et bleu, couleur-symbole de la ville, est délicatement agencé sur un plateau de verre cristallin. La simplicité des lieux, le dénuement japonisant convient à ma respiration murmurée, mes mouvements feutrés, à un regard libre dont aucun objet vient entraver la ligne circulaire, la ligne de fuite vers le dehors, la vue panoramique sur le lac. Je remarque quatre globes sonores aux quatre coins de la pièce, qui diffusent des pièces musicales aquatiques : pluie sur toit d'ardoise,  pluie diluvienne cinglant les vitres, pluie clapotant dans les flaques, pluie pétillante sur la mer, pluie fine annonçant l'accalmie. J'actionne le seul bouton: en écoute successive:  bruissement du ruisseau, remous jubilant du torrent, vagues éclatées sur la rive, cascade trébuchant sur la roche, fontaine murmurante. Je me décide pour la fontaine frémissante. Des panneaux de couleur pastel, fixés au plafond, coulissant sur des rails, amovibles presque à l'infini renouvellent l'espace. Je m'amuse un moment à décliner différentes combinaisons et m'arrête sur un espace en L, un panneau rosé à la perpendiculaire d'un panneau bleu de Prusse, ouvert sur la paroi donnant sur le lac. Je m'allonge sur le lit, contemple la flaque lunaire sur l'eau, puis les yeux fatigués je m'endors rapidement.

 

Un rêve étrange me réveille alors que l'aube encore évanescente, inonde la pièce. Je m'égare dans un labyrinthe translucide, croise des visages qui à mon approche s'évaporent, en une brume grisée.

Kalydia s'est infiltrée dans mon sommeil. D'où vient ce nom?  Kalydia. Qui a fondé cette cité non répertoriée, quelle en est la gouvernance, les modes vie. Autant de questions qui aiguisent mon appétence. Si certaines communautés, tribus que j'ai rencontrées restent peu connues, les cartes locales identifient toujours un élément topographique : un village, un site, le relief, l'altitude...

Ce lac ne semble pas si éloigné de la civilisation moderne pour rester un point aveugle de la planète.

 

Au point du jour, fenêtre ouverte, je reconnais la sonate pour piano en La majeur de Schubert, qui semble s'échapper du dôme principal, un couvercle de carreaux nacrés.

Je décide de rester quelque temps dans la cité miroir.

 

LN

Gargnano Eté 2014

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11 octobre 2014 6 11 /10 /octobre /2014 09:54

CHapeau-spritzz.-jpg.jpg

 

 

Voici quelques Haïkus, écrits sur la ligne d'horizon du Lac de Garde...

 


     A fleur de flot

   pointe le sein de la sirène

Un marin se noie.

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En effleurant le siège                                                               

mes poils se hérissent                                                              

- la terre tremble.                                                                         

----

Cailloux frémissants

des bulles de champagne

- Un pétrolier s'échoue.

 ----

 

L'enfant ricoche                                                                            

sous l'œil hagard du canard                                                      

                                                                -au loin la sirène retentit.      

    ---

                                                

Deux femmes anglicisent

                    accent strident aux coins des lèvres

- deux requins claquent leurs mâchoires.

 

 

LN


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30 août 2014 6 30 /08 /août /2014 15:19

Voici une autre expression de mon invention. Je déjouerai l'aquaboulevard dès Lundi, jour de reprise...

 

 

Déjouer l'aquaboulevard : se frayer un chemin à pas rapides dans la foule.

 

Urbain, il est enraciné dans la ville, la grande ville. D'une marche rapide, ses pieds effleurant à peine le sol, il glisse dans la ville comme dans la vie. Rattraper le temps, engloutir les minutes, c'est un homme pressé. Dans les couloirs saturés du métro, il jubile de pouvoir déjouer l'aquaboulevard, sans effleurer quiconque, dans un slalom urbain quotidien.

 

LN

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26 août 2014 2 26 /08 /août /2014 08:23

En clin d'oeil à l'Agnès masquée, l'une des expressions que j'ai inventées:

 

Rire en eau morte : Être seul à rire dans un groupe ( assemblée, réunion etc.).

 

C'était encore un de ces repas de famille dominical, ennuyeux  où personne ne s'écoute. Elle, elle avait choisi de se taire. À l'entrée elle observait, au plat de résistance elle s'ennuyait et au moment du fromage elle tricotait dans sa tête des blagues pourries et ce jour là au dessert elle fut pris d'un fou rire en eau morte. Cela dura quelques minutes. Son rire éclaboussait toute la table. Puis ce fût le silence enveloppé des regards réprobateurs de tous les convives. Elle rit de plus belle.

 

LN

 

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18 août 2014 1 18 /08 /août /2014 08:58

De retour d'une écriture au fil de l'eau, au bord du Lac di Garda, je vous invite à entrer  dans ce sillage de bulles d'Ô.

 

 

Si transparente que l'eau puisse être, elle miroite de lumières qui s'infiltrent en elle, nacrées des cristaux du soleil levant. On pourrait croire l'eau franche, transparente, mais sournoise elle s'infiltre sans faire de bruit, dans la moindre cavité, la plus fine anfractuosité, alvéoles oubliées. Puissante et indomptable, quand elle sort de son lit, elle contourne, recouvre, caresse, envahit  jusqu'à lécher les falaises et confronter l'homme à sa finitude, son impuissance, sa propre arrogance. Ogresse vorace.  


Eau océanique, la mer étale, tranquille, camaïeu de gris-bleus, gris-verts devient miroir suprême sur lequel mon regard navigue, plane, se perd. En mère gourmande, elle aspire ses prétendants jusqu'à dévorer les imprudents. Cantatrice lyrique, sa musique ondule. Eau de ruisseau, elle murmure, ondoie sur fond kaléidoscopique formé de minuscules cailloux effleurés par de fines herbes navigantes. Rivière, elle chante la source. Océane, je l'ai entendue, parfois, jour de tempête, hausser la voix.  Carmina Burana...


Quand de ma bouche elle coule dans ma gorge, s'installe au creux de mon ventre, elle me revitalise. À la regarder trop longtemps, hypnotisée, mes pensées flânent puis s'évaporent.

Eau miraculeuse, malicieuse, capricieuse, je m'incline, contemplative.

 

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LN

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7 juin 2014 6 07 /06 /juin /2014 16:00

Après cette longue absence, me voici de retour pour évoquer mes impressions sur 4 films que j'ai beaucoup aimé.

 

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 Mon préféré, celui qui m'a le plus marqué est Tom à la ferme de Xavier Dolan, jeune réalisateur de 25 ans, canadien, qui  a déjà réalisé 5 films. Je n'ai pas vu ses autres films mais celui ci m'invite à  voir l'ensemble de son oeuvre. A la fois réalisateur,  scénariste, monteur et acteur, à l'heure où je vous écris, son dernier film  Mommy sera  bientôt sur nos écrans. 

 

Dès le début du film Tom à la ferme, une ambiance hitchcockienne étrange et inquiétante m'enveloppe. Une atmosphère tendue règne sans que l'on sache pourquoi. Suspens. L'angoisse monte, mes yeux s'écarquillent, mon ventre se noue, je commence à m'agiter sur mon siège et cela va durer jusqu'à la fin du film. Par petites touches, l'auteur nous dévoile les dessous énigmatiques de ces vies, exprimant leurs  tourments les plus profonds. Les acteurs sont excellents, Xavier Dolan notamment dans le rôle principal.   

Les plans sont d'une beauté  à couper le souffle, alternant les grandes étendues magnifiques de la campagne canadienne et des plans rapprochés sur les visages des protagonistes, révélant leur inquiétante étrangeté. (petite touche freudienne:))
La musique du film est aussi réussie que le reste. Deux scènes m'ont directement transporté dans deux films d'Hitchcock. Je ne vous en dis pas plus, à vous de les identifier.

 Je reste très impressionnée par ce film de grande envergure,  adaptation d'une pièce de théatre. Xavier Dolan a su se dégager du huis clos théatral, pour une interprétation située  dans de grands espaces, mais qui enferment tout autant les personnages dans leur environnement monotone, et leur lourd passé.


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Le second dans un tout autre registre, est  le dernier film des frères Dardenne Deux jours, une nuit. Une chronique sociale très bien mise en scène, finement jouée par Marion Cotillard qui réussit la performance d'interpréter un texte assez répétitif, sans jamais être dans la répétition. Des émotions exprimées avec force par le regard, les attitudes, la gestuelle. Un critique a fait le parallèle avce Henri Fonda dans  "12 hommes encolère" qui déploie une stratégie pour convaincre les autres, et inverser leur décision initiale. Ici, l'enjeu et le contexte sont bien différents, et à l'inverse Marion Cotillard n'avance pas d'arguments autres que ce qu'elle ressent, ses angoisses, dans un échange très concis. Le film n'est pas larmoyant et  porte  un message final plutôt rassruant de solidarité et d'énergie collective .


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Pas son genre, film de Lucas Belvaux avec Emilie Dequenne et Loic Corbery. Une histoire d'amour entre un professeur de philosophie et une coiffeuse. Le sujet  peut apparaitre commun et stéréotypé. J'ai été conquise par ce film, qui ne s'arrête pas à la différence de classe sociale, mais met en relief l'absolue incompréhension et les attentes si lointaines et indicibles entre l'homme et la femme. J'ai découvert cette actrice formidable,Emilie Duquenne,  lumineuse, belle, donnant  tout dans son interprétation. Le décor de la vilel d'Arras, belle ville du Nord, la musqiue, les délires entre copines m'ont  enthousiasmés. Un beau moment. 

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Les-Droles-De-Poissons-Chats-cinema-metz.jpg

 

Le dernier, Drôle de poissons chats se passe au Mexique. J'avais vu la bande annonce, dont j'avais perçu une énergie de joie, d'amitié  entre une jeune femme et une famille. Je n'avais aucune connaissance de l'histoire, dont je fus très surprise, contrastant beaucoup avec mes impressions, lors de la présentation.

 Claudia a 22 ans et vit seule dans une grande ville du Mexique. Une nuit, elle atterrit aux urgences pour une crise d’appendicite. Elle se lie d’amitié avec Martha, qui occupe le lit voisin. Martha a 46 ans, 4 enfants, et une inépuisable joie de vivre. A sa sortie de l’hôpital, Martha invite Claudia à habiter chez elle. D’abord désorientée par l'organisation chaotique de la maisonnée, Claudia trouve progressivement sa place dans la tribu...


Récompensées par leur interpétation  tous les perosnnages sont attachants par leur personnalité contrastée. Sans mièvrerie ni misérabilisme, le film m'a séduit par les émotions de tendresse, de solidarité, d'affection, de joie et les petits  moments de bonheur partagé, de solitude aussi. L'histoire est mise en scène avec beaucoup de pudeur et  de simplicité.

L'histoire est très humaine, triste, un film touchant.

 

Bon film et vos critiques sont toujours les bienvenues, pour ouvrir le débat...

LN

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31 mars 2014 1 31 /03 /mars /2014 18:27

Je vous offre ce court récit en lien au livre de Francis Ponge, Le parti pris des choses (1942). Francis Ponge (1899-1988) est un écrivain et surtout poète qui a très tôt connu ce qu’il appelle « le drame de l’expression » confronté à la difficulté de dire les choses, de les rendre dans toute leur vérité et toute leur forme. Par cette idée nous ne sommes pas loin du projet du Parti-pris des choses où il souhaite rendre compte de la façon la plus précise qui soit des objets jusqu’à aller dans la description de leurs qualités propres, de leurs caractéristiques les plus intrinsèques jusqu’à les doter d’une vie bien à eux qui naît sous le regard du poète.

 


La traversée des apparences


Parmi les miroirs de la maison, celui-ci s'impose comme le plus noble, solennel, hérité des anciens; le chapiteau coiffé d'un nœud royal, couronne l'ensemble d'un air princier. Les contours sont ornés de fleurs incrustées, rythmées à intervalles réguliers. Aux quatre coins du miroir, quatre pièces carrées, ébréchées, aux angles émoussés, étayent l'imposant et lourd objet, où s'interroge la Beauté, la Jeunesse, l'Impermanence.


Bordé d'une moulure dorée, qui s'effrite, se patine, s'écorne, le miroir exhibe les traces d'une érosion séculaire, ravive la mémoire des figures qui s'y sont réfléchies, dévisagées.


La glace aux contours biseautés a souffert des images traversées: tachetée, piquetée, mouchetée comme des grains de beauté finement fondus sur la peau diaphane de femmes galantes. Ces pictogrammes troublent les reflets des portraits disparus, enfouis sous le verre frotté, sous lequel j'imagine les regards embués de larmes argentées. Au centre, du verre indemne et limpide s'irise la pulpe des lèvres coquelicots, les sourires étoilés, les grimaces enfantines; et l'œil attentif, interrogateur de l'image de soi, diffractée.


Traversée des apparences.


Le miroir, incliné sur le mur blanc imperturbable, est posé sur la tablette de la cheminée marbrée, teintée de bistre, zébrée de fines lignes grises et blanches, sillons du sablier temporel. De la cheminée, vêtue de son tablier noir, grimé par une main espiègle d'un cœur rose pailleté, émane des bribes de voix déformées, voix de l'intime transportées par le souffle de l'air du temps.


Adossé à ce cadre grand format, une réplique plus petite, expose en son cœur une reproduction de Delacroix, Femmes d' Alger dans leur intérieur; effluves épicées de femmes orientales.


Delacroix


Miroir sans appel, Psyché où chacun embrasse sa propre image…


LN

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19 mars 2014 3 19 /03 /mars /2014 08:43

Fratricide Culinaire

 

Jacques  s’était choisi un nom de scène,  Jack , qui sonnait  comme le claquement du lasso sciant l'azur. Apprenti cuisinier puis sommelier dans un grand restaurant parisien, Jack " ce self made man", comme il aimait se présenter, s'était fait tout seul. Respectant la lignée familiale, il s'était naturellement tourné vers les métiers de bouche: pâtisserie, œnologie,  il goûtait à tout ce qui pouvait faire de lui un Maitre cuisinier.

Après avoir écrémé les alvéoles culinaires, il s'installe dans la région Lyonnaise, réputée pour sa gastronomie. Il  rachète une biscuiterie- confiserie artisanale, située à Ampuis, petite bourgade tranquille, au pied des vignobles fameux de la Côte- Rôtie, au bord du Rhône, à quelques kilomètres de la grande ville. Il acquiert le domaine du Château d'Ampuis, magnifique bâtisse avec ses tours, son toit élancé et sa grande terrasse. Si le château conserve une certaine apparence, il manque des tuiles au toit, le crépi des murs se ronge d'une lèpre secrète, les fossés regorgent de boue et l'herbe folle court sur les allées du parc. Jack rénove le domaine, redessine le grand parc. Le temple d'amour, érigé sur la rive du Rhône, promet des rencontres romantiques et secrètes. La piscine de trois bassins en enfilade, et les tennis sont agencés au milieu d'une composition horticole, choisie  soigneusement par le maitre des lieux.

 

 

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Une usine, un vignoble, un château, Jack  aurait pu incarner le rêve américain. Son esprit d'entreprise, son énergie, sa folie des grandeurs, sa capacité créatrice firent fructifier rapidement son affaire. En biscuiterie,  il développe la gaufrette feuilletée, fourrée au jus de fruit frais. Il choisit sa marque  "Eubeurlay", comme si l'addition d'œuf,beurre, lait suffisait à en obtenir la qualité gustative.  Le mystère de fabrication de ces gaufrettes, qui connaissent leur heure de gloire, reste absolu. Elles croustillent dans toute la France. L'entreprise  devient, après à peine une année d'ouverture, une importante affaire au rang national. Il protège sa marque d'un blason et de sa devise. Perfectionniste dans les moindres détails – ce qui ne manquait pas de surprendre ou irriter parfois son entourage – il inscrit au fronton de sa créativité la  devise « Nec plus ultra ».


Jack  s'enrichit et rejoint le clan des notables. Gourmet, friand des plaisirs de la table , il invite au château tout le gratin, les figures honorables de la région. Ses bals, réceptions, rayonnent dans la région. Pourvoyeurs d'emplois, de festivités, Ampuis le reconnait  comme celui qui sauva le Château, vestige du passé, et impulsa à la région un nouveau dynamisme dans cette période instable de l'année 1929. Mais dans l'ombre de sa gloire, ses concurrents, installés dans la région depuis plusieurs générations, issus du terroir,  entendent bien contrer son ascension.  


Jack, conscient de sa réussite jalousée et pour asseoir sa notoriété,  s'immisce dans les affaires de la cité et  s’engage dans l’équipe municipale, aux cotés de son concurrent principal.


Quelques  mois après la flambée des gaufrettes EUBEURLAY, au sortir d’un conseil municipal, Guétal, son concurrent, patron d'une usine de biscuits de madeleine l'interpelle:

-Cher ami, quel est votre secret pour que vos simples gaufrettes inondent le pays  et supplantent mes madeleines de Proust dont vous avez apprécié la saveur  unique, moelleuse, fondante.

- Mon cher, le succès appartient au secret des sources.

- Nous avons tous nos astuces. Si la gaufrette accompagne les desserts glacés, la madeleine  accompagne merveilleusement bien l’heure du thé. Pourrais je vous proposer de nous associer. En conjuguant nos talents, nous pourrions voir plus loin. Vous avez déjà visité mon usine et vous connaissez la qualité de mon installation, la rigueur de mes équipes.

- Je n'affectionne pas les monstres à deux têtes. Je préfère suivre mon intuition. Nous en reparlerons.


Est-ce l’amorce d’une  guerre qui ne dit pas son nom,  un fratricide culinaire.


Quelques jours suivant cette conversation, l'agent de maitrise Léon, pivot de la fabrication chez EUBEURLAY disparait, sans que nul ne sache ce qui a pu se passer. Jack , premier à être interrogé par Capuchon,  chef brigadier, est abasourdi. Léon, son ami de toujours. Apprentis ensemble à Paris, dans le même restaurant, Léon est son plus proche conseiller, son homme de confiance.  Sans lui, chou blanc! Tout s'effondre et seul Jack le sait . Il ya bien Madeleine, sa femme, toujours prête à mettre la main à la pâte, pour lui tenir la dragée haute. Madeleine, dodue comme celle de Proust, manque de moelleux. Les ouvriers la surnomment la Régente. Son mari n'aime pas lui donner trop d'importance.  En l'absence de Léon, il n'a pas le choix et doit s'en remettre à sa femme. En attendant de retrouver Léon, elle le remplacera dans l'atelier, dont elle seule détient la clef. C'est dans cette pièce tout en longueur, dont les volets restent clos, que Léon et Madeleine, chaque matin, bien avant le lever du soleil, lèvent la pâte, partagent le secret de la fabrication. Au centre de l'atelier,  s’aligne un grand établi poudré de blanc. Adossés aux murs, trois vaisseliers cadenassés où sont rangés les ingrédients. Aucune écriture, aucun indice pour identifier  ces poudres blanches ou coquille d'œuf, et des liquides incolores.

Etrange cette coïncidence, entre la conversation avec Guétal et la disparition de son contre maître, pièce irremplaçable, du "nec plus ultra". Comment son concurrent aurait-il su que Léon était le chef d'orchestre du flux de production et le garant de la  qualité inégalable de la gaufrette.


Ce dimanche là, Jack ne faillit pas à se rendre à l'office, puis à se rendre chez Marie-Luce, la patronne du seul bistrot du bourg. Il paye sa tournée,  tend l'oreille aux conversations, parfois murmurées des invités. Les rumeurs mijotent, s'évaporent en brume pimentée.  Complot, trahison, fuite, détournement, vol…. les discussions vont bon train. Guétal, habitué aussi à cet apéritif dominical, s'approche de lui.


- J'ai appris la nouvelle. Décidément on ne peut faire confiance à personne. On raconte que sans lui, votre agent de maîtrise,  votre fabrication ne peut plus être à la hauteur de votre devise. Réfléchissez à ma proposition, mes ouvriers sont dotés d'une compétence et d'une obéissance reconnues.  Il suffirait de leur donner vos directives, il s'exécuteraient .

Jack se refusa à répondre. Il souhaitait faire mariner son adversaire. Guétal continua.

- Savez vous ce qui a pu se passer avec votre collaborateur?

- J'ai ma petite idée mais laissons les gendarmes faire leur travail. Peut être une vengeance? La jalousie peut expliquer certains méfaits à mon égard. Si tel est le cas, cela noircirait la réputation de toutes  les industries de la région, la vôtre y compris. On ne m'enfarine pas facilement.

 Son ton était acidulé, ciselé.

- Je n'en doute pas mais est ce une insinuation?

-Une intuition, juste une intuition.


La fabrication se poursuivit avec Madeleine à la tête de la chaine.Deux jours plus tard, Jack reçut un billet de Léon, glissé discrètement sous la porte de son bureau. Quelques lignes écrites à la hâte sur un papier froissé.


"Nec plus ultra est convoité. Ma bouche est muette, secret gardé. A bientôt L."


Il reconnut l'écriture de Léon. Il savait que sa confiance était absolue. Rassuré,  il alla faire sa sieste journalière avant d'entamer sa tournée dans l'usine. Dans une somnolence crémeuse, il  laissa décanter ses soupçons et son amertume.  Il devait se résigner à transmettre le secret de sa gaufrette magique. Si Léon  ne revenait pas il perdrait tout. Son trésor si bien gardé risquait de lui souffler sa réussite.


Ses deux filles étaient trop jeunes, Léopold, le second agent de maitrise, mou  comme une figue. Il  avait failli oublier le Suisse, l'ingénieur, celui qui l'avait mis sur la voie, lui avait soufflé la potion magique.  Il avait ensuite trouvé la recette miraculeuse,  à force d'expérimentations. Des nuits entières, il avait œuvré à créer cette gaufrette et chaque matin il apportait à Madeleine sa réalisation. Elle avait du palais la Madeleine et savait apprécier l'infime, le nec plus ultra. Au terme de plusieurs essais, il avait trouvé le bon dosage, homéopathique. En proportion minutieusement testée, ajoutée à l'eau et la farine, il déposait de la magnésie, une poudre blanche d’infime densité, qui donnait au biscuit sa légèreté et friabilité exceptionnelles dont Jack pouvait dire  que « son produit était souvent copié mais jamais égalé ».


15h45. Il commença sa visite à l'usine, un large sourire inhabituel éclairait son visage.

 

LN

 

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6 mars 2014 4 06 /03 /mars /2014 20:55

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Crime Express

 

Dès son réveil, son ulcère lui cisailla l’humeur. Il s’habilla avec fébrilité, enfila sa tenue de travail RATP, pantalon vert de gris et veste élimée, affichant une morosité déjà ancienne. Un coup de clef sec, il était prêt. Son pas lent et lourd martelait le sol mouillé, s’élevaient alors des flaques d’eau, de légers borborygmes, écho à ses propres gargouillis. Il n’avait que cinq cent mètres de marche avant d’arriver. Il ne concevait pas de marcher plus. Cheminot de père en fils, la vie se devait d’être mouvement perpétuel, voyage, dépasser la frontière de son « chez soi ». L’horizon de ses aïeux s’étendait plus loin que le sien. Ils conduisaient les trains aux quatre coins de la France. Il avait du se contenter du bus, transport interurbain, univers rétréci d’une ville, inexorablement le même paysage, un horizon toujours bouché. La rêverie ne faisait plus partie de ses voyages quotidiens.


Arrivé au dépôt, furtivement, il salua ses confrères, ignorant leurs blagues ordinaires. Il s’enferma dans sa cabine, un moment de répit avant le commencement d’une journée, qu’il pressentait fade. Ce jour là il circulait sur la ligne qu’il détestait le plus, celle où les livraisons et les voitures de maître encombraient et ralentissaient sa tournée. L’attente, les railleries des passagers, les manœuvres supplémentaires, le retard dans son planning, sa pause réduite. Il se sentait morose plus qu’à son habitude. Las des regards indifférents des passagers, de leurs questions habituelles auxquelles il répondait mollement, exaspéré par leur intrusion bruyante dans ce qu’il aurait voulu être sa bulle, imperméable à toute tentative de le détourner de lui-même, de sa douleur au ventre. Moteur en marche, fermeture des portes. Premier feu rouge, un passant frappe, il ouvre. Un monsieur suffisamment âgé pour que Louis accepte de déroger à la règle de la montée aux arrêts identifiés.


Ce matin là, il semblait déconnecté de sa machine. Feu vert, un passant de vert vêtu s’engagea, Louis inversa son pied. Il appuya sur l’accélérateur. Enfin, il en avait eu un pour tous ceux qu’il avait évité. Sur la chaussée, les bandes blanches du passage piéton étaient éclatantes d’un rouge vermillon. Une belle tache de couleur dans la sombritude de ce jour ordinaire. Il sourit …


LN

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